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24 juin 2010 4 24 /06 /juin /2010 07:00

 

L'exposition commence avec les toiles de jeunesse de notre peintre norvégien. La touche teintée d'impressionnisme s'empare des paysages tant appréciés par l'Europe du nord à cette époque. Mais de sa jeunesse malheureuse (une mère, un frère et une sœur décédés) Edvard Munch a gardé les ombres qu'il projettent dans ses œuvres. Ainsi, même les vues de village tranquille regorgent d'une sensibilité et d'une simplicité expressives et intenses. Les regards de ses portraits laissent transparaitre une véritable profondeur, ainsi qu'une compréhension humaine hors du commun.

Qu'il utilise l'huile, les pastels, le crayon ou la litho, Munch touche à une dimension particulière et exaltante et ce n'est pas pour rien si, comme le rappelle l'exposition, Auguste Strindberg l'a loué dans un article de La Revue Blanche. L'écrivain écrivit à propos de l'artiste qu'il était le peintre «  de l'amour, de la jalousie, de la mort et de la tristesse ». Si l’œuvre de Munch ne se résume pas à cela, loin de là, cette description est tout de même la bienvenue. Prenez par exemple les variations lithographiques autour de la Madone, d'une volupté morbide et éclatante.

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[Madone, Munch, 1896]

Bien sur, comme chez nombre de symbolistes, la femme est omniprésente. Femme baudelerienne par excellence, dangereuse et attirante, mais le peintre n'en oublie pas la puissance de l'amour. Avec le baiser, il illustre parfaitement la fusion de deux entités charnels dans un même besoin, dans une même pulsion. Mais comme le montre ses solitaires, s'aimer c'est surtout être si proche et si loin à la fois. Ses variations sur la femme Vampire me passionnent et m'absorbent toujours autant, me font planer vers un autre monde. Cette chevelure féminine semble agir comme une toile d’araignée sur l'homme dont Munch fait l'éternelle victime de la Femme. Femme ardente et étincelante, aussi mortifère qu'elle est indispensable.

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[Le Baiser, Munch, 1895]

Et ses Enfants Malades qui disent tellement plus que ce qu'ils montrent, qui fascinent, sidèrent, horrifient même. Et si, dès les années 1900, les couleurs de Munch éclatent et s'intensifient, c'est pour mieux manifester des pulsions qui l'habitent ; qu'elles soient macabres ou pleines de vie, ces pulsions restent d'une extrême violence, comme issues d'un besoin expressif immédiat, vital. Quand Tulla, qu'il aima d'un amour violent et passionné, apparaît dans sa vie et dans son œuvre, Munch explose dans tous les sens du terme.

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[Vampire, Munch, 1895]

J'admire aussi ces paysages des années 1898, que je ne connaissais pas, avec ces ciels fabuleux et cette végétation si vivante. Et cette manière de grattouiller la toile, de la confronter aux éléments ... Mais ce n’est pas tout, car l'exposition propose aussi une collection de lithographies absolument géniale, qui illustre la légende de Alpha et Oméga. Munch se fait plaisir avec cette histoire, il se libère par le biais d'une iconographie pleine de sens.

Personnellement, j'ai rarement été aussi profondément touchée par des gravures, car Munch parvient à me transporter dans une onirisme sombre et doux à la fois, mélancolique et confortable. Toutes les œuvres de Munch me parlent intimement. Comme celles de Rossetti, elles touchent à mes sensations les plus enfouies. J'ai l'impression que l'iconographie munchienne est en moi depuis toujours (ne suis-je pas tombée amoureuse de son Cri à l'âge de 7 ans?), qu'elle fait partie de moi et de mon évolution. Je vois Munch comme l'illustrateur d'une morbidité typiquement baudelairienne, celle des Fleurs du Mal, auxquelles il fait sans cesse allusion. Cette morbidité délicate et sensuelle, capable de transcender un concept, une émotion profonde et unique en un lyrisme pictural d'une rare intensité.

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[autoportrait au squelette, Munch, 1895]

Vous avez jusqu’à 8 aout pour courir voir cette magnifique exposition qui a l'avantage de mettre en lumière une partie méconnue de ce maitre du tournant du siècle. Si le Cri n'apparait pas, c'est une volonté délibérée car Munch ne se réduit pas à cela. Ni à rien d'ailleurs. C'est un artiste multiple, complexe et d’une sensibilité telle qu'il est impossible de rester indifférent. Plus encore, presque toutes les œuvres présentées sont issues de collections particulières, ce qui les rends exceptionnelles, rares.

Amateurs ou simple néophyte, sachez que cette exposition est juste indispensable.


PS : Je ne vous étonnerai pas en affirmant que je suis repartie avec l'album.


Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine
75008 Paris

 

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